Itinéraire salé d’un marin d’eau douce ou comment j’en suis venu au voile aviron. (18)

Le Maraudeur fantôme.

Cela aurait dû être mon deuxième Maraudeur. Les copains de l’AS savaient que je recherchais un « bois » à retaper.

Je reçois un jour un coup de téléphone de Loulou (Louis Blancanneaux) qui m’annoce tout de go:  » y’ a un gars, en Bourgogne, qu’a un Maraudeur en bois, il est prêt à le donner en échange de quelques bouteilles de pinard »…

Fichtre ! L’aubaine ! Contact pris avec le généreux propriétaire, je me munis de quelques flacons et nous voilà partis avec mon fils aîné et avec la remorque vide de Raspoutine à la recherche de ce fameux Maraudeur en bois tant convoité .

Effectivement, au fin fond d’une campagne bourguignonne nous finissons par dénicher l’adresse et là, nous tombons sur une ferme et un gus qui se gratte la tête, « ah ! le Maraudeur oui, on va aller le dégager »…

Le voilà qui met le tracteur en route et qui se dirige vers un de ces terrains vagues qui entourent parfois nos exploitations agricoles. Là, au milieu d’un fouillis indescriptible de bottes de paille pourries, de vieux engins agricoles déglingués, de palettes, on découvre ce qui semble bien être un Maraudeur couché sur le flanc. Ni une, ni deux, le type passe des cordes sous la coque et à l’aide de la fourche du tracteur le voilà qui soulève le bateau et vlan qui le dépose sans ménagement sur notre remorque.

Il commence à faire nuit, on ne voit plus grand-chose et tant bien que mal nous brêlons l’embarcation. Salutations d’usage échangées, nous prenons la direction l’A6 pour reganher la maison.

Bon évidemment vous me direz, c’était une occasion… Enfin, pour une occase, c’était une occase !

Le lendemain matin au grand jour me voici à examiner de près mon acquisition de la veille. De loin pas de doute c’était un Maraudeur mais de près le bateau avait un drôle de profil vrillé.

Et à la lumière l’étendue du désastre apparaît. En fait, ce bateau en bois avait été plastifié par un ancien propriétaire. Le problème, c’est que l’eau s’était infiltrée entre le tissu de verre et le bois et celui-ci avait complètement pourri. Le rafiot était irrémédiablement fichu et irréparable.

La mort dans l’âme je me suis résolu à récupérer ce que je pouvais, un peu d’accastillage, des balcons, le lest, la dérive et le rouf en polyester.

Le reste a fini tronçonné et brûlé dans le jardin.

Depuis, il parait que certains soirs de grand vent, on peut voir la silhouette d’un Maraudeur navigant entre les arbres du jardin…

A suivre, prochain épisode : Venexiana 3…

… mais le chapitre des Maraudeurs n’est pas encore tout a fait terminé, il y en aura bien un troisième !

Itinéraire salé d’un marin d’eau douce ou comment j’en suis venu au voile aviron. (17)

Les croisières en Maraudeur !

Il est bien spécifié que le Maraudeur est un petit voilier bien adapté au camping côtier pour… deux personnes.

N’ayant pas bien lu le mode d’emploi, nous avons évidemment pratiqué ce genre d’exercice à six…

Pas question de dormir à deux adultes et quatre enfants dans un si petit espace mais nous avons pu néanmoins utiliser ce merveilleux bateau pour quelques croisières côtières.

Tout d’abord en Bretagne. Nous nous étions retrouvés à quelques Maraudeurs dans un camping au bout de la presqu’île de Quiberon. Nos bateaux étaient au mouillage à quelques encablures de la plage.

Trois Maraudeurs en maraude dont le fameux 91 de Babar !

Des bords tirés dans la baie puis une plus grande expédition, dans le golfe du Morbihan où nous nous sommes retrouvés chez un ami qui possédait une maison, tout au bout, du côté de Conleau. Le soir après une ripaille très mousticailleuse, je me souviens avoir dormi à mon bord avec un de mes fils tandis que le reste de la famille trouvait un hébergement plus confortable dans le bateau de Loulou (Louis Blancanneaux).

Moussaillons sur Raspoutine

Babar au premier plan se dirige d’un air décidé vers …
Échouage sur la plage
Et le numéro spécial de l’AS, « la bible » garde une trace de cette mémorable expédition !

Le temps des régates en Maraudeur avait pris fin. Gallo était parti pour de nouvelles aventures en deltaplane et nous, après quelques trois ans passés en France, nous prenions la direction d’un autre pays pour le boulot.

Cap au nord, direction Göteborg en Suède. Cette fois le Maraudeur était du voyage ! On avait attelé Raspoutine derrière le « Caramazout » (notre véhicule familial transporteur de troupe, un valeureux Toyota Lite Ace) et en route vers le grand nooord !

Quelque part sur une aire d’autoroute au Danemark
Dans le ferry de la Stena Line entre Frederikshavn au Danemark et Göteborg en Suède

En Scandinavie, l’hiver est long… les jours sont courts, Autrement dit, le bateau est resté quelques mois devant la maison en attendant le printemps.

La Suède est un pays de marin, leurs bateaux sont magnifiques et superbement entretenus. En hiver ils sont tous sortis des ports et abrités à terre dans de petites constructions plus ou moins élaborées mais toujours réalisées avec soin.

Nous avions trouvé un petit port pour amarrer le Maraudeur. Ce fut alors l’occasion de belles balades dans un chouette espace de navigation mais pavé de cailloux partout ! En fait on gardait la carte marine en permanence sur les genoux. Ce qui ne m’a pas empêché, voulant prendre un raccourci et confiant dans mon faible tirant d’eau, de talonner un jour assez rudement. Et les enfants de sortir en criant de la cabine : « on coule ! on coule ! » Heureusement sans dommage !

Des iles et des cailloux partout !

Le séjour en Suède fut le plus court de notre parcours à l’étranger, (pour les détails voir le chapitre « au pays des trolls dans Trece Timpul...).

Un an après notre arrivée nous reprenions la route du retour vers la mère patrie.

A suivre : le Maraudeur fantôme…

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Navigations avec le Fireball

Voilà, ça y était, j’avais enfin mon bateau !

Et alors ?

À la Grande Motte avec mon frère Olivier

Deux programmes de navigation nourrissaient mes projets, d’une part la croisière, d’autre part la compétition, la régate.

Concernant le premier, j’allais devoir patienter. Il me faudrait prévoir un navire un peu plus adapté à cet usage. En attendant, je continuais de dessiner des plans de voiliers hauturiers (nous évoquerons ceci un brin plus tard) …

Pour ce qui était de la compétition, j’étais en principe équipé ! Le Fireball était une véritable bête de course !

Une fois le bateau lancé, je m’étais efforcé de compléter et d’améliorer son équipement. Au début, en travaillant l’été et en gagnant quelques sous, je pus me payer un spi. Le top du top c’était le Mountifield tri radial. Ensuite, on installa un avaleur de spi.

A la Grande Motte dans les tous débuts… Je suis avec mon frère Olivier, nous arrivons à la grande cale… très accessible à l’époque !
Les débuts en mer… la photo est prise par mon père depuis le bateau de Moreau. On notera les grues nombreuses qui s’activent pour la construction de la station.
Cette fois, nous avons embarqué Sébastien le « petit » frère !

J’accélère quelque peu le film, plus tard un ensemble complet mât, bôme, tangon, Z Spar vint remplacer les espars originaux. Je dois avouer que je parvins à revendre mon mât ressoudé et ma bôme en bois ! Par la suite, disposant de revenus fixes, un jeu de voiles Chéret se substitua aux Tasker d’origine qui étaient bien fatiguées.

J’étais au top ! Licence en règle, club : ACYC, timbre de l’IFF, certificat du docteur Tissier…

Et pourtant, je potassais le « Pinaud » pour la compète…

Pour les déplacements, j’avais un sérieux problème. Longtemps je n’ai pas eu de voiture et les régates étaient rares à Courtine.

A cela s’ajoutaient le manque d’équipier régulier, un bateau peu compétitif malgré la qualité de sa construction mais surtout un défaut de compétences de son barreur…

Je ne devais jamais régater sérieusement en Fireball, hormis quelques épreuves par-ci par-là.

Régate « saucisson » sur le plan d’eau de Neuvic en Corrèze. Le point rouge au milieu c’est nous !

Cependant durant quelques années, du lycée aux débuts dans la vie active, je multipliais autant que faire se pouvait les navigations.

En mer, en méditerranée tout d’abord avec mes parents. Principalement à la grande Motte., une fois à Toulon. Plus tard sur l’océan avec celle qui était devenue mon épouse, Marie. Un été nous avions pu rallier et naviguer à Douarnenez en Bretagne grâce à notre voiture, une poire !

Sur les plans d’eau intérieurs après Courtine, à Neuvic en Corrèze, sur la Loire sur le barrage de Villerest, sur le lac de Guerlédan en Bretagne intérieure et surtout au Grand Large à Lyon…

Sur le lac de Villerest en 1987 (dans la Loire). Je suis sur le Fireball avec un copain, Gérard et Eric un cousin de ma femme. Nous croisons le Vaurien d’André mon beau-père avec Marie à son bord. Film d’époque sans la HD ni les stabilisateurs d’images…
Sur le plan d’eau du Grand Large à Lyon
Au CVL (Cercle de la Voile de Lyon) je prépare le bateau avec un copain de l’Ecole Normale
Une des dernières vues du Fireball sur l’eau à Neuvic sur le lac de la Triouzoune…
Le bateau est dans la cour. Au retour de Neuvic un caisson fuit et prend l’eau . De sérieux travaux vont devoir être programmés, le Fireball n’a plus navigué depuis cette date.

Ce bateau a navigué ainsi durant plusieurs années. Il a accompagné les premiers temps de ma vie d’adolescent puis d’adulte. Celle-ci a beaucoup fluctué. Je ne m’étendrai pas ici sur tous ses développements, disons simplement que j’allais assez vite entamer un parcours professionnel qui allait me conduire hors de France durant de longues années. Pour ceux que cela intéresserait, j’ai raconté tout ça dans un livre. 

Pour autant d’autres bateaux n’allaient pas tarder à arriver.

J’ai toujours conservé le Fireball. Actuellement il est en cale sèche dans mon garage en attendant une restauration que j’espère prochaine…

À Courtine. Où l’on voit que je vais devoir changer de monture pour songer à la croisière !

Il est temps de passer à la suite… c’est à dire à la taille supérieure !

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Le Fireball, le Fireball, au fait, il n’a pas un nom ce bateau ?

Le bateau n’ayant pas été enregistré aux affaires maritimes, l’attribution d’un nom n’était pas obligatoire. Cependant, nous avions un numéro de voile, 9467, un numéro de plan de construction, 1079. Enfin une plaque d’identification en aluminium vissée dans le cockpit et portant le numéro 3417 nous avait été remise par l’International Fireball France.

Certains régatiers collaient un nom en grosses lettres sur le bordé de leurs bateaux. Ainsi le Flying Dutchman des frères Pajot, médaillés d’argent aux JO de 1972 à Kiel s’appelait O’Sidarta.

Pendant la construction, nous allions assister à des régates dans la région, occasion d’observer de près des bateaux « finis ». Mon père avait beaucoup apprécié un nom relevé sur un Fireball aperçu lors d’une course sur l’étang de Berre. Celui-ci était un peu long, c’était : « T’occupes pas des signaux mets du charbon« …

Au début, mon père avait proposé « Antarès« . Ça sonnait bien, c’était un nom d’étoile, d’étoile rouge (comme le rond emblème de la série). L’astre faisait partie de la constellation du Scorpion, ça tombait bien aussi puisque j’étais né en octobre, sous le signe du Scorpion…

Donc ce fut Antarès pendant un temps sans que le nom soit peint sur la coque.

Quelque temps après, sûrement après avoir vu le film et pour rester dans la veine comique, le nom « Les tontons flingueurs » lui succéda mais toujours sans marquage sur le tableau ou sur le bordé.

Enfin, j’eus une époque « bretonnante » et le nom de « Brocéliande » me séduisit au point que cette fois je le collais sur le bordé en grosses lettres blanches découpées dans du Vénilia.

Il y eut pendant un temps une inscription qui se voulait humoristique sur le bateau. Cependant celle-ci était invisible en position normale…

Comme je l’avais indiqué, j’avais voulu une peinture noire pour la coque. On avait bien avait tenté de m’en dissuader mais, je n’en avais pas démordu. Il se trouvait qu’une fois retournée, la coque à bouchains vifs ainsi peinte ressemblait furieusement à un… cercueil !

Facétieux, mon père accentua la ressemblance en peignant un trait argenté perpendiculaire au puits de dérive ce qui formait une croix parfaite et inscrivit dessous en lettres blanches : « Regrets éternels »…

Cette inscription n’était visible qu’une fois le bateau à l’envers. Or c’est bien connu, le Fireball est un dériveur volage où les dessalages ont vite fait de sanctionner la moindre erreur de navigation.

Lors d’une régate avec Dudule sur le lac de Serre-Ponçon à Savines, nous nous étions mis sur le toit suite à un méchant départ au lof incontrôlé dans le bord de vent arrière. Je me souviens de la surprise de l’équipage du bateau qui nous suivait à la vision de deux lascars s’efforçant de grimper sur un cercueil flottant… Du coup, ils étaient eux aussi allés au tas !

Cependant cette inscription n’était pas du goût de mon grand-père qui en rogne, exigea que l’effacions.

Ce qui fut fait…

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La mise à l’eau du Fireball au plan d’eau de Courtine sur la Durance.

Le Fireball était construit, accastillé, pourvu d’un mât et doté d’un jeu de voiles de base. Le bateau était magnifique, superbement réalisé. J’avais voulu une coque noire qui se mariait à merveille avec le pont et le cockpit plaqué acajou.

Petite anecdote concernant le bois : le contreplaqué venait des établissements Charles mais pour des pièces de bois massif comme le banc, le safran, la barre etc., mon prof de père avait récupéré dans son collège des pupitres d’écolier mis au rebut qui une fois poncés et débarrassés de leurs graffitis avait fourni des essences merveilleuses et d’une dureté incomparable !

Il était temps pour le bateau de quitter le garage. Comme on allait devoir le stocker dehors, il était impératif de lui prévoir une protection contre les intempéries. D’autre part, pour gagner les plans d’eau il allait bien falloir le transporter.

Mon père avait bien évidemment tout prévu !

Il s’attela tout d’abord à la fabrication d’une solide remorque qu’il voulut fonctionnelle car elle devait permettre non seulement le transport d’un dériveur, mais également lui servir de remorque porte tout.

Dans ce domaine de construction, il était à l’aise. La soudure de solides cornières achetées chez Tirat (son fournisseur de ferraille habituel) plus des roues de 4L et ressorts de suspension récupérés à la casse auto qui bordait l’autoroute allait lui permettre d’atteindre son objectif. Un chariot de mise à l’eau ajusté pile-poil aux cloisons transversales du bateau, un timon rallongé démontable pour s’adapter aux 4,93 m de longueur hors-tout, un plateau pour le vrac, tout y était…

Il entreprit ensuite de coudre une forte toile bien étanche, un taud qui protégerait le beau navire en bois du mauvais temps.

Cette fois, on était paré pour la mise à l’eau programmée au plan d’eau de Courtine où nous avions réservé un emplacement à terre assorti d’une inscription à l’Avignon Courtine Yachting Club. Depuis ce temps, toutes ces installations : le port, les pontons, le club, le schipchandler ont disparu… Le spot est désormais occupé par des Jetskis et des kitesurfers

Confluence de la Durance et du Rhône, au sud d’Avignon. En bateau on pouvait remonter le Rhône jusqu’aux remparts, la difficulté était un pont de chemin de fer assez bas au du tirant d’air réduit… Au sud, on descendait jusqu’au pont d’Aramon.

Et le grand moment arriva enfin !

Nous devions être au début du printemps 1975. Il faisait encore frais, un léger vent du nord soufflait mais pas ce fichu Mistral qui nous aurait contraints à repousser les essais.

Pour la circonstance, toute la famille était présente, mon père bien sûr, ma mère et mes deux frères. Dudule mon pote de navigation sur le 420 de la MJC était là aussi.

Le bateau fut descendu de sa remorque de route et posé sur son ber de mise à l’eau. On le mata, et on endrailla les voiles destinées à être hissées sur l’eau plus tard. Nous avions capelé nos gilets (achetés à la CAMIF) et Dudule avait enfilé la ceinture de trapèze Plastimo.

Zou ! on y allait !

Le bateau fut amené sur la cale, le chariot roula et toucha enfin l’eau pour la première fois !

Un cri s’éleva : il coule !

Miséricorde ! de chaque côté du puits de dérive deux jets d’eau jaillissaient et inondaient le cockpit ! En hâte je me ruais dans le bateau et pinçais les deux orifices en enfonçant un doigt de chaque côté.

On remonta le bateau au sec. Plus de peur que de mal. En fait, suite à des échanges de courriers avec l’IFF, mon père avait déplacé l’axe de la dérive de quelques centimètres, omettant de reboucher les premiers trous… Qu’à cela ne tienne, le paternel toujours muni de son couteau de poche tailla en hâte deux flipots de bois qu’il enfonça en force dans les voies d’eau. Un rebouchage sérieux au chantier naval serait effectué par la suite.

Le grand jour ! On se prépare pour la mise à l’eau. je suis penché sur la grand-voile, Dudule de dos avec la ceinture de trapèze. Olivier mon frangin est sur l’arrière a déjà capelé son gilet de sauvetage. Ma mère et mon petit frère Sébastien sont assis sur un ponton. Le lascar en vélo… je ne sais pas qui c’est…
La mise à l’eau, surement la bonne cette fois !
Cette fois c’est la bonne ! Le bateau flotte, mes équipiers le maintiennent. Le paternel peut être fier de son œuvre !

De cette première navigation, je n’ai guère de souvenir, ni même de photos… Je sais simplement qu’une fois le tragicomique épisode de la voie d’eau du départ, tout se passa bien. J’étais enfin seul maitre à bord de mon bateau. Ne restait plus qu’à naviguer !