Les années Maraudeur entre régates et croisières au long cours.
Nous voilà donc de retour en France. Après nos années dans la vieille Europe fut elle de l’est, le choc avec l’Afrique avait été trop rude. En fait nous étions rentrés au moment où nous allions basculer, un an de plus, nous y serions probablement encore…
Nous voici donc à Lyon, Venexiana 2 est à port Camargue où nous avons toujours notre marina. Les courses avec Ondine dans l’océan indien ont laissé une marque. J’ai envie de régater de nouveau. Alors, comme je l’ai déjà expliqué nous nous inscrivons au club de Port Camargue. Numéro quatre qui s’annonce dans la famille vient restreindre les déplacements en voiture et mettre un terme aux projets de compétitions en baie d’Aigues-Mortes.
Voici Venexiana 2 au CVL, ancrée sur son corps mort devant le club, à ceci près qu’il n’y a plus de boat man pour m’emmener à bord !
Régates nous voici, et ça va rigoler !
Bon, comment dire… Ça ne s’est pas passé comme prévu. En effet, c’était sans compter sans les vieux briscards du Grand Large. Des lascars sur des rafiots merdiques mais qui savaient flairer toutes les risées foireuses qui vous conduisent en moins de deux vers la bouée d’arrivée.
Résultat, moi qui me faisait fort de mettre une boîte aux Edel 6 et autres Midget me voici à la ramasse et pas qu’un peu… De plus je traine un lourd handicap, un coefficient qui m’impose de rendre du temps aux autres concurrents. C’est explicable, peu d’Etap 22i régatent, son coefficient est calculé de manière théorique et il est élevé.
C’est alors que je rencontre mon pote Gallo. Un lascar fin régatier, un finniste, ancien coureur sur Surprise, un copain de Sébastien Destremau, bref une pointure !
Ça tombe bien nous avons une marmaille du même âge. Tandis que les mamans surveillent les gosses qui batifolent au club, nous partons à l’assaut des régates du Grand Large avec Venexiana 2.
Bon disons le tout net, j’ai beau nous faire tailler des voiles de compète, Gallo a beau s’escrimer… râteau, les résultats ne sont toujours pas au rendez vous. Force est de constater que l’Etap 22i n’est pas une bête de régate.
C’est alors que Gallo me tape du coude »tu devrais acheter le bateau de Garon qui est à vendre ». Le bateau en question est un rafiot plus petit que l’Etap, de couleur orange posé sur une remorque sur le parking des Micro dans le club. « Dis donc c’est quoi ce barlu ?
Venexiana 2 est vendue et part dans le Sud Ouest avec un jeune couple. Alors commencent les années Marau.
Venexiana 3 ? Et bien non, du moins pas encore. Le bateau s’appellera Raspoutine ! En lettres cyrilliques sur le côté tribord s’il vous plait et en caractères latins sur le côté bâbord !
Le Maraudeur est un de ces voiliers qui ont bâti l’histoire de la plaisance. Jean Jacques Herbulot le génial architecte a pris un dériveur, le Flibustier, lui a rajouté du franc-bord, un lest, une petite cabine et roule ma poule ! Dans les années 60 on pouvait acheter un Maraudeur au Bazar de l’Hôtel de Ville à Paris, le BHV. La voile se démocratisait.
Le bateau est en bon état, mais il est dans son jus. Il existe plusieurs générations de Maraudeur, celui-ci est un Spair dans sa configuration d’origine : le mat est un poteau cylindrique, les voiles fatiguées. Nous allons devoir reprendre tout ça !
Ce qui est formidable avec ce type de petit bateau, c’est que l’on peut se payer le meilleur en matière d’accastillage et de voiles sans se ruiner !
À l’entrée du club nous avions repéré un Proctor D, un mât de 470 qui servait à hisser un pavillon de bienvenue les jours de régate. Hop ! en accord avec les copains du club, nous procédons à l’échange et nous voilà avec un superbe mât à rétreint qui ne nous a pas coûté un rond ! Bon, il convient d’adapter le gréement dormant mais le câble ce n’est pas cher et l’affaire est vite entendue.
Je commande un jeu de voile neuf, un spi et avec Gallo nous commençons à percer des trous partout pour placer et déplacer l’accastillage. Quand on y pense, on rebouche; Les potes au club se fichent de nous, ils ne riront pas longtemps !
Saga africa ! Le Citron 2 et Ondine quatrième et cinquième bateaux.
Au point où nous en sommes et avant de passer à la suite, il m’apparait utile de procéder à un petit rembobinage du film.
Séquence flash-back, en septembre 1980 je partais pour la première fois à l’étranger en Roumanie. c’était dans le cadre du service national, à l’époque on parlait de « coopération ». Je vous épargne les détails, encore une fois, si cela vous intrigue, allez jeter un coup d’oeil « Trece timpul », n’hésitez pas, c’est gratuit ! Restons sur le sujet des bateaux.
J’avais laissé mon Fireball en France et je découvrais pour la première fois la réalité du paradis rouge derrière le Rideau de Fer version Ceaușescu. Disons pour résumer qu’il n’a pas fallu très longtemps au jeune instituteur public biberonné aux partis et syndicats de gauche pour virer sa cuti.
Il n’était pas question de naviguer dans ce beau pays qu’était la Roumanie socialiste. Les Roumains étaient bouclés chez eux. Tout moyen susceptible de prendre la poudre d’escampette subissait les foudres de la Securitate. Alors pensez donc, un bateau, fût-ce une misérable coquille de noix à voile… Pas de ça Lisette !
À défaut de Fireball, je me serais bien contenté de ma planche à voile mais il était interdit de naviguer avec un tel engin sur la mer Noire ! alors quoi ? Abstinence totale ?
Et bien non ! Je conserve une photo de navigation à voile de cette époque. Une image qui compte parmi celles que je préfère. Il se trouve qu’une copine de l’ambassade de France connaissait un gars nommé Dodo (pour Daurel) qui avait bricolé un semblant de voilier habitable avec lequel il faisait des ronds dans l’eau sur le lac Herăstrău situé au nord de Bucarest. Le bateau en question c’était un vieux Star, un quillard Olympique sur lequel il avait ajouté un roof et une petite cabine.
Miracle du numérique j’ai retrouvé un vieil article d’un de me mes anciens blogs où j’avais déjà évoqué le sujet : ici .
Bien, tout ça pour dire que d’une part même quand tout semble impossible, les rêves peuvent encore bousculer la réalité et d’autre part qu’après la Roumanie nous avions déclaré de manière péremptoire : « on repart n’importe où dans le monde mais surtout pas dans un pays communiste ». Et c’est ainsi qu’après deux ans à Bucarest nous sommes allés nous installer en Bulgarie. Dans la même logique, quittant ce pays six ans plus tard nous nous étions jurés de poser nos valises n’importe où dans le monde, sauf en Afrique et donc…
En 1988 nous débarquons en Afrique Orientale, à Dar Es-Salaam au bord de l’océan indien…
Pendant les six ans à Sofia, les navigations dans le pays ou en Grèce c’était avec la planche à voile. C’est aussi la période où sont arrivés les deux premiers Venexiana basés dans la mère patrie.
Cette fois nous habitons une ville au bord de la mer et dans le container de 20 pieds de notre déménagement j’avais pris soin de glisser deux planches à voile.
Au début j’avais beau avoir mon bureau à 100 mètres d’une plage de carte postale à Oyster Bay : sable blanc, cocotiers qui plongent dans une eau couleur émeraude, je passais mon temps à bosser. Je m’échappais quelquefois pour tirer des bords, croisant au hasard dauphins, tortues et même requins (dans ces cas là, je serrais des fesses et m’appliquais pour soigner mon style et ne pas tomber à la baille !).
En réalité j’étais frustré. En effet Dar es-Salaam possédait un magnifique club de voile. Seulement voilà… La Tanzanie était à l’origine une colonie allemande, le Tanganyika, devenue anglaise après la Première Guerre Mondiale. Or le Yacht Club était un club anglais, c’est à dire bouclé ! Pas question de s’y pointer : « bonjour je voudrais naviguer, à combien se monte l’adhésion ? » Bernique ! Pas moyen d’y entrer comme cela, il convenait au préalable d’être parrainé et cela pouvait prendre des mois voire des années…
J’enrageais d’autant plus que la majorité des utilisateurs du club étaient des clampins pour qui le lieu se résumait à un bon restau. C’était un endroit chic pour épouses de diplomates qui venaient papoter au bord de l’eau tandis les gamins barbotaient sous la surveillance des ayahs. Ah ! mais, ceci dit, un vrai club de voile avec des habitables au mouillages, des dériveurs et des régates en veux-tu en voilà…
On m’avait néanmoins soufflé que si j’achetais un bateau, cela faciliterait mon adhésion. Il était possible de pénétrer le saint des saints en se faisant inviter, au coup par coup. C’est ainsi que grâce à un sympathique ressortissant germanique de ma connaissance et membre du club, je me portais acquéreur de mon quatrième bateau en l’occurrence un magnifique Laser de couleur jaune arborant le fier nom de Citron 2 !
Pendant un an, toutes les semaines je me pointais à l’entrée du club où m’attendait mon fidèle ami teuton qui me faisait pénétrer dans le club. Je retrouvais mon bateau préparé par mon « boat man ». En effet, il convient d’ajouter qu’en plus du bateau, l’usage voulait que l’on embauche un « boy » qui avait pour tâche de s’occuper de l’intendance et de tout préparer de sorte qu’il ne vous restait plus qu’à prendre la barre et en voiture Simone ! Sachant qu’à la maison l’effectif de notre personnel domestique s’élevait déjà à six personnes, un de plus, un de moins… Pour qui n’a pas vécu en Afrique, tout ceci peut paraître étrange voire un brin choquant. Il n’en est rien, la réalité est beaucoup plus complexe. La perception des choses est différente. La vision du monde, du temps ne s’appréhende pas de la même façon. Un choc terrible au début lorsque l’on débarque d’Europe. Une fois de plus, j’aurais trop à dire aussi je m’arrête là et j’en reviens à l’agrume qui nous intéresse le Citron 2.
J’avais acquis le bateau, il me fallait maintenant démontrer mes qualités nautiques pour pouvoir enfin décrocher le sésame, la fichue « membership card ».
Ah misère ! Dire que j’en ai bavé avec ce rafiot est un doux euphémisme. Le Laser est un joli dériveur mais plus mal foutu, non, je ne vois pas…
Le tarif c’était une régate par semaine. Les vents étaient soutenus et bien que la baie soit abritée le clapot souvent musclé… J’éprouvais toutes les peines du monde à dompter ma monture. J’ai le souvenir d’une fois, où je ne sais pas pourquoi, pas moyen d’abattre ni d’empanner arrivé à la bouée de largue. Cette vache de Citron 2 avait mis le cap sur Zanzibar et ne voulait pas en démordre malgré mes efforts désespérés pour lui faire entendre raison ! J’ai dû dessaler pour reprendre mon cap vers la bouée suivante et finir la course.
Au fil des semaines, je régatais avec plus ou moins de bonheur mais avec beaucoup d’obstination. Mais toujours porte fermée ! À chaque fois, je devais recourir aux services de mon ami allemand pour rejoindre mon rafiot et me jeter dans la mêlée, enfin disons plutôt de tenter de suivre le paquet…
Et puis last but not least… Bingo la barrière s’ouvrit ! Les hautes autorités du club, reconnaissant enfin mes hautes compétences nautiques, m’accordaient l’insigne honneur de rejoindre leurs rangs ! J’étais parrainé mais ce n’était pas tout à fait terminé car je dus me soumettre à un examen d’entrée le « helmsman test« , le test de l’homme de barre où je dus répondre à un questionnaire genre code du permis de conduire.
Une fois membre du club tout était facile, c’était open-bar ! Je ne suis pas loin de la vérité puisque qu’on n’échangeait pas de monnaie à l’intérieur du club. À la buvette il suffisait de donner son « bar number » et tout se facturait à la fin du mois. Pas d’histoire d’argent entre gentlemen…
Quelque temps après, mon toujours aussi sympathique ami allemand me mit sur la piste d’un bateau habitable qui était à vendre. C’était un vieux plan Van de Staat, un Primaat. D’ailleurs, vous vous souvenez dans le chapitre 4, je vous avais dit d’observer le bateau au premier plan dans le Port de la Grande Motte ?
Et c’est ainsi que je pus me séparer avec soulagement de ce foutu Citron 2 pour me consacrer à Ondine. Le bateau était mouillé sur un corps mort dans la baie devant le club. Service quatre étoiles mon boat man s’occupait de préparer les voiles et nous conduisait à bord avec une solide chaloupe motorisée. Au retour il nous reconduisait à terre et retournait au bateau pour tout ranger.
Les régates n’étaient pas négligées pour autant. Cette fois ce fut un peu plus glorieux. Chaque samedi nous avions des courses à handicap et tout au long de l’année quelques épreuves un peu plus huppées pimentaient nos appétits de régatiers. C’est ainsi que grâce au petit temps qui régnait ce jour là et à mon ami Peter Darch nous remportâmes le « Hardy Trophy » . Victoire qui me valut de voir mon nom gravé sur le mur du club qui recensait les différents vainqueurs de cette vénérable épreuve ! La tradition voulait également que le trophée, en l’occurrence une grosse coupe en argent sur laquelle allait être gravé le nom du bateau et de son skipper soit le soir remplie de Brandy et fasse le tour de tous les équipages réunis dans une chaude ambiance au bar du club ! So british !
Côté croisière, c’était plutôt à la journée, Nous croisions les pêcheurs sur des pirogues à balancier et aux voiles trouées. A l’abri derrière les îles qui protégeaient la baie, les dhows, ces boutres en bois de l’océan indien écopaient après leurs traversées tumultueuses depuis Zanzibar avant d’entrer dans le port de Dar Es-Salaam pour décharger leurs cargaisons de clous de girofle.
Une fois je suis parti avec deux amis belges deux jours en remontant la côte en direction du Kenya. Nous avions mouillé le soir dans l’embouchure d’une rivière au pied d’un village de pêcheurs africains d’où montait à la nuit tombée le son lancinant des tam-tams. Souvenirs de la torpeur d’une nuit africaine et de mon ancre qui chassait à cause des courants de marée.
En 1990, soit à peine deux ans après notre arrivée nous rentrions en France à Lyon. Ondine avait retrouvé un nouveau propriétaire, en l’occurrence mon sympathique ami allemand et nous allions rejoindre Venexiana 2 entre Port Camargue et le CVL.
Déjà lorsque j’étais à la recherche de mon premier bateau habitable, les modèles du constructeur belge Etap m’avaient tapé dans l’œil. Au début, il n’y avait au catalogue que l’Etap 20, un peu petit à mon goût, nous en avions visité un néanmoins et l’Etap 22 certes un peu plus grand mais un brin vieillot. Quand est sorti l’Etap 22i ce fut le coup de foudre !
D’une taille inférieure au Trident, outre son esthétique, il cumulait beaucoup d’avantages. Homologué insubmersible, plus besoin de radeau de sauvetage et de ses révisions périodiques couteuses. Moteur en puits, quasiment un inboard. Finitions impeccables et surtout avec sa quille rétractable, transportable sur remorque avec possibilité de le mettre à l’eau depuis une cale. On évitait aussi les grutages et les carénages ruineux.
C’est chez le concessionnaire Etap de Palavas les Flots que l’affaire se conclut. Il nous reprenait le Trident par la même occasion.
Et c’est ainsi que Venexiana 2, premier bateau habitable neuf allait faire nos beaux jours pour quelques étés…
Un bateau facile à manœuvrer. Quand nous ne sortions pas en famille, laquelle au passage avait encore grandi, nous l’utilisions pour des escapades en solitaire. Pendant que maman faisait des ronds dans l’eau, papa gardait la marmaille dans la marina et lycée de Versailles ! Il est évident qu’un bateau de 6,50m n’est pas franchement prévu pour de longues croisières à six ! Une fois cependant nous avions embarqué toute la nichée pour aller passer une nuit dans un port voisin, aux Saintes Marie de la Mer. Ce fut la seule fois.
Le transportable c’est la possibilité de changer facilement de zone de navigation. En réalité mis à part des déplacements pour des hivernages à Avignon ou Roanne, nous n’avons guère utilisé cette option.
Nous avions quitté la Bulgarie pour une affectation plus lointaine en Afrique orientale à Dar Es Salaam en Tanzanie. Cela ne changeait pas grand chose, nous revenions l’été en France et nous avions Port Camargue comme point de chute.
Pourquoi allions-nous nous séparer d’un aussi chouette bateau ?
En 1990 nous étions revenu pour un temps de nos séjours à l’étranger et nous résidions à Lyon.
En mer, l’Etap était rapide, je tournais littéralement autour des bateaux de sa catégorie comme les Edel 6. L’envie de reprendre les régates me titillait. Nous nous étions inscrits à la Société Nautique du Grau-du-Roi Port Camargue. L’idée était de descendre tous les week-ends de régate à la marina. Mais patatras, une grossesse difficile nous interdit temporairement tout déplacement long en voiture. Qu’à cela ne tienne ! Le bateau étant transportable nous avions décidé de le remonter à Lyon et de profiter du plan d’eau du Grand Large en nous basant au CVL, Cercle de la Voile de Lyon. Un club que nous connaissions pour y avoir parqué le Fireball quelques huit ans auparavant durant nos études à l’École Normale.
Oui mais voilà, sur l’eau tout n’allait pas se passer comme prévu…
Entre 1982 et 1988 je résidais à Sofia en Bulgarie. La ville située au pied du mont Vitocha était loin de la mer. J’avais néanmoins pu mettre dans mes bagages une planche à voile, discipline à laquelle je me livrais en parallèle aux navigations en Fireball. Le bateau étant hélas resté en France, la planche permettait de « passer la rage ». Dès la fonte de la glace au printemps, je délaissais les skis pour naviguer sur le lac d’Iskar. Il fallait faire gaffe ! D’une part de pas trop tomber à l’eau qui était plutôt froide et d’autre part de ne pas s’approcher de la rive opposée car c’était une zone militaire. Nous étions encore à la grande époque du communisme triomphant et on ne rigolait pas trop avec les zones interdites. Il se disait que le coin abritait des camps d’entraînement pour les Palestiniens. Bref, pour plus de détails se reporter à Trece Timpul !
Les abonnements à mes chères revues me parvenaient via la valise diplomatique et c’est ainsi que je pouvais continuer à rester au fait de l’information nautique. La rubrique de la revue Bateaux que j’épluchais avec un intérêt grandissant était celle des petites annonces. Je n’étais pas bien riche mais l’achat d’un voilier habitable d’occasion commençait à entrer dans le domaine du possible.
Compte tenu du budget envisagé, de la taille souhaitée, je m’orientais vers une unité entre 26 et 30 pieds. Mon kif absolu c’était l’Alpa 950 mais hélas, à l’époque il dépassait mes limites financières… Les modèles qui revenaient le plus souvent avaient pour nom Arpège, Aquila,Folie Douce, Sangria, Tarentelle,First 26, Poker…
Arriva enfin l’été de la décision. Nous étions rentrés en France pour quelques semaines de congés. Les recherches avaient été bien dégrossies et après d’ultimes coups de téléphone et visites dans différents ports méditerranéens, je dénichais l’occase idéale : unTrident 80 de l’architecte Daniel Tortarolo.
Pendant des années avec mes parents, lorsque nous descendions à la Grande Motte depuis Avignon, nous longions le chantier SMAP Neptune sur la RN 100 à Domazan dans le Gard. Le nez collé à la vitre de la R16 paternelle je lorgnais les dernières unités produites alignées en rang d’oignon le long des hangars.
Le bateau était basé à Port Camargue. L’ancien propriétaire l’utilisait pour régater en Baie D’Aigues Mortes, en effet cette série avait connue son heure de gloire en compétition à la fin des années 70.
Le jeu de voile était impressionnant, double étai à gorge, spi mais seulement un moteur hors-bord de 4 CV, tout juste bon pour sortir du port, un vrai voilier en somme !
Une visite à la capitainerie avait suffi pour obtenir un anneau dans le port, j’avais même eu le choix de la place… il est bien loin ce temps …
Le bateau était baptisé « Idéfix« . Sympa comme nom mais, j’avais déjà mon idée sur la question. Fan des bandes dessinées d’Hugo Pratt le Trident allait se nommer Venexiana. Les anglais même si on s’en méfie dans la famille, désigne toujours leurs bateaux par « she » alors…
Le voilier était en bon état, au fil du temps je procédais à quelques améliorations. Un matelas supplémentaire dans la cabine avant pour plus de confort. Un enrouleur de génois pour faciliter les manœuvres. Le seul gros problème c’était son moteur. À l’origine il était équipé d’un petit 4CV Evinrude qui avait la détestable habitude de sortir de l’eau dès qu’il y avait un chouia de clapot. Les versions avec un inboard diesel existaient, une installation eût été possible mais je me bornais à remplacer l’engin d’origine par un 9,9CV plus pêchu, doté d’un arbre super long et d’un démarreur électrique. J’avais également acquis une belle annexe que je prenais en remorque en croisière.
Celles-ci ne furent pas si nombreuses, nous habitions toujours en Bulgarie, les congés en France étaient courts. À part les ronds dans l’eau à la journée dans la baie, en sortant du port c’était soit cap à l’est direction la Camargue, Marseille et les îles du Levant soit à l’ouest vers l’Espagne. Le reste de l’année le bateau était surtout occupé par mon frère Olivier qui s’en servait de point de chute pour pratiquer la planche à voile.
Et puis arrivèrent les enfants, la famille s’agrandissait. Les bébés à bord d’un voilier ce n’est pas très confortable, aussi quelques années plus tard nous avions acheté une marina qui était également notre seul domicile quand nous résidions en France.
Un bon bateau, un peu gitard mais très équilibré. Au près on pouvait lâcher la barre et aller faire un tour, le cap restait tenu.
Un grand tirant d’eau pas franchement pratique s’il avait fallu naviguer en zone d’échouage, un bateau méditerranéen donc !
Très logeable, c’était un « gros » 8m car peu d’élancements. Disposition classique, pas de cabine arrière mais à quatre en croisière c’était parfait !
Deux souvenirs pour finir .
Le premier : alors que nous rentrions des côtes espagnoles nous sommes tombés en rade d’électricité, il faisait nuit. Plus d’instrument mais surtout plus de feux de navigation ! Notre position nous situait au large du port de Sète. Seulement voilà, plus un poil de vent et surtout une brume d’été à couper au couteau, on ne distinguait pas le sommet du mât. C’était la fin de la nuit, le soleil n’était pas encore levé et les pêcheurs sétois sortaient à toute pompe du port pour gagner le large. On entendait les moteurs qui se rapprochaient mais on ne les voyait pas bien sûr. Olivier à l’étrave soufflait comme un perdu dans la corne de brume tandis que j’éclairais la voile avec la seule torche qui nous restait ! Nous prions pour que les pêcheurs nous repèrent dans leurs radars ! Le vent revenu mais toujours dans la purée de pois nous tirions des bords pour regagner Port Camargue. Sans visibilité on naviguait à la feuille, virant dès qu’on entendait le ressac sur la plage !
Une autre fois nous rentrions des îles d’Hyères. Nous avions été pas mal chahuté au passage du Cap Sicié avec une grosse houle. Nous croisions la routes des Ferry qui gagnaient la Corse. Plus tard dans la matinée, alors que nous approchions de Toulon, je vois tout d’un coup Dudule qui était à la barre qui lâche celle-ci (bateau équilibré je vous dis !) et qui se rue à l’intérieur pour remonter avec la carte marine. « Bon sang c’est quoi cette tourelle ? Pas de haut fond signalé dans le coin ! « . La tourelle en question c’était le kiosque d’un sous marin à moitié immergé que nous avons croisé à quelques encablures…